La construction du collège et de l’église

Le collège

Conformément à leur « raison sociale », les pères lancent d’abord les fondations du bâtiment destiné aux six classes d’humanités. Et ce dès 1611! La construction de leur logement n’est amorcée qu’en 1613. Premières étapes d’un chantier qui durera 34 ans et entamera une bonne partie de l’îlot. Maisons reçues et maisons achetées, parfois au terme d’un procès, 26 en tout, seront démolies pour la réalisation d’un programme d’envergure qui remodèlera le quartier dans son tracé et bien entendu dans ses activités. Les archives de la compagnie conservent un plan terrier de 1613, attribuable au frère Jean du Block et envoyé à Rome pour représenter le « projet du futur collège de Namur, en entier ». Fort semblable à celui dressé à la même époque pour Dinant, ce plan rigoureusement orthogonal, a été largement respecté. Les bâtiments s’articulent autour de deux cours séparées par une double galerie, entre la future rue du Collège et un jardin limité par la rue de la Marcelle (Basse-Marcelle). Destinée aux élèves, la première cour, à l’ouest, est bordée par les deux ailes de la « schola » – soit un corps principal perpendiculaire à la rue du Collège et une aile moins haute en bordure de celle-ci – et au fond par une moitié de la « domus » (maison des pères). La seconde cour, réservée aux pères, reçoit la seconde moitié de logement et, côté rue, dans un volume prolongeant celui de l’école, porterie et hôtellerie. Une tourelle d’escalier dessert les chambres des pères dans l’axe de la galerie. Enfin, dominant l’ensemble à l’est, s’allonge le « templum », l’église, selon une orientation nord-sud. Une implantation peu orthodoxe dictée sans aucun doute tout à la fois par la vieille trame urbaine, par un souci d’économie spatiale et par une volonté d’assurer à la façade triomphale le dégagement le plus avantageux.

 

L’église

Le plan

Conçue par le frère jésuite Huyssens, l’église Saint-Loup traduit bien les préceptes de la Contre-Réforme. Commencée en 1621, elle juxtapose trois nefs de six travées égales, en privilégiant d’évidence le grand vaisseau qui se referme à l’entrée sous le jubé, mais qui s’ouvre en prise directe sur le chœur semi-circulaire et son grand-autel à portique. De part et d’autre, des absides secondaires s’alignent sur les collatéraux pour loger des autels en l’honneur de dévotions propres aux jésuites : Notre-Dame de la Consolation à gauche, saints de l’ordre à droite. Contre le départ du bas-côté gauche, une cage d’escalier permet de monter au jubé, notamment pour des élèves depuis le collège mitoyen. Des locaux de service, comme la sacristie, environnent le chevet, au pied de la tour. A première vue, celle-ci occupe une position inaccoutumée, qu’on pourrait estimer « reléguée » derrière le chœur. On l’attendrait plutôt à l’autre bout. Mais l’adoption depuis les années 1600 des modèles italianisants y contraint les architectes : une façade-écran « à la moderne » ne supporterait pas l’imbrication dans sa composition d’un volume turriforme de cette sorte. Or chez nous, la plupart des gens restent attachés au signal traditionnel de la tour! Comment dès lors concilier les intérêts respectifs? En réalité, à dater de la construction de la basilique de Montaigu par Wenceslas Cobergher (1609 sv.), la solution, de compromis en quelque sorte, sera de monter une devanture classique, valable pour elle-même et conforme aux nouveaux idéaux stylistiques, et de transplanter la tour en général à l’autre extrémité, d’où elle ne puisse pas rivaliser avec la façade d’entrée. Notons au passage qu’ici, la tour est restée inachevée, probablement faute de moyens. Sous la nef s’étend une crypte qui est en réalité un local ordinaire d’inhumation des religieux.

Elévation et formes

Ce qui caractérise surtout l’église au dehors est d’évidence sa façade bichrome. Bien que refaite il y a plus de cent ans d’ici, elle renvoie pieusement à l’original du XVIIe siècle. Elle vaut par son élan vigoureux, étagé sur trois niveaux contrairement aux normes classiques mais conformément aux usages régionaux. Les deux registres inférieurs sont rythmés en particulier par des colonnes annelées ou baguées dont c’est la première manifestation chez nous. Les entablements assez neutres ne parviennent pas vraiment à rompre l’impression de verticalité qui se dégage de cet énorme écran chargé de « publier » la présence des jésuites et de leur temple dans le panorama urbain. De surcroît, l’étage terminal, plus tourmenté, affiche un cartouche où éclate le chrisme I.H.S., véritable « logo » cher à l’ordre. Vue depuis la citadelle, spécialement, cette façade proclame son existence, tel un étendard au-dessus de la marée des toits. Son impact paysager est d’autant plus réel que la tour n’a jamais été terminée.

A l’intérieur, la pompe et l’exaltation sont omniprésentes. L’éclairage dispensé par les fenêtres équipées de châssis métalliques enserrant des verres blancs, est abondant, chaleureux, contrasté. Il illumine la nef et le chœur, rebondit sur l’entablement puissant, reluit sur les marbres rouges et noir des supports également annelés, glisse entre les colonnes sur les pavements, se dilue au fond des basses-nefs.

 

Extrait de : « Olivier BERCKMANS et Luc Francis GENICOT, l’église St-Loup et l’athénée royal de Namur. L’ancienne église Saint-Ignace et le collège des jésuites, éd. Ville de Namur, Namur, s.d. (vers 2001).